Commissaire, conception graphique du livre, auteur du texte "Le principe de réalité"
La peinture d’Eberhard Havekost se manifeste dans la prolifération de sujets sans véritables liens en apparence mais dont l'apparition récurrente dans l’œuvre du peintre allemand ne laisse que peu de doute sur l'importance de leur choix : façades d’immeubles résidentiels sans âme cadrées en contre-plongée très serrée, vues frontales de mobile-homes ou de caravanes au design lisse et standardisé, igloos et autres tentes de camping dans leurs lieux de vente, visages cagoulés, masqués, encapuchonnés, casqués, rendus anonymes par des zones rectangulaires, déformés par une manipulation sous Photoshop, tas de détritus ou de matériaux au rebut au fond d’un débarras – coulisses cachées d'une réalité liftée –, voitures accidentées représentées sous plusieurs angles, vues urbaines cadrées au travers de pare-brises, étendues de paysages perçues par des fenêtres de trains, cockpits et fuselages d’avions, visières teintées de casques de pilotes de chasse ou de Formule 1, coups de flashs sur des murs sombres, toiles vierges à peine dépliées…
Au sein de cette profusion, les couleurs employées sont traitées avec une intention visible d’harmonie chromatique générale. La couleur lie l’ensemble. La couleur donne le ton, dévoilant implicitement que l’hétérogénéité des sujets abordés n’est qu’une apparence et qu’il est question dans cette œuvre de provoquer un sentiment particulier sur la manière d’envisager la réalité. Par ailleurs, les espaces et la façon dont ils sont structurés dans l’œuvre d’Eberhard Havekost sont des espaces contraints, forcés par des cadrages du réel qui ne correspondent pas aux caractéristiques du champ de vision humain. Trop serrés ou procédant de réglages de profondeur de champ impossibles, ils semblent relever d'un sampling qui mixerait différentes techniques simultanément empruntées au cinéma, à la photographie ou aux logiciels de manipulation d'images. Les espaces élaborés par Eberhard Havekost sont une manière de constater les puissantes distorsions et mutations qu’a subie notre perception spatiale au cours de l’histoire. En définitive, les œuvres d’Eberhard Havekost affirment l’impossibilité d’envisager la réalité comme
un milieu homogène, affirment que le réel n’existe pas, affirment que rien n’est donné en soi.

Extrait de "Le principe de réalité", dans Eberhard Havekost - Entrée, Jean-Charles Vergne, FRAC Auvergne, 2008.

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