Commissariat, conception graphique du livre, auteur du texte "Rien n'aura eu lieu que le lieu (excepté peut-être une constellation)"
Depuis son commencement dans les années 1980, la névrose sous ses formes les plus diverses a contaminé l’univers de Gregory Crewdson, de ses manifestations les plus indicielles à ses traces les plus visibles – boîtes d’anxiolytiques éparpillées
sur les tables de chevet et les crédences, visages décomposés par les insomnies, intérieurs rognés par les émanations psychotiques de leurs occupants finissant par leur ressembler comme un chien ressemble à son maître. Les lumières blafardes,
les espaces forclos de maisons et de chambres de motels bon marché, les rues désertées, les terrains vagues, ont été dès l’origine les lieux de prédilection de ces œuvres conçues comme des scènes de cinéma pour produire des photographies
qui, contre toute attente, demeurent les images célibataires de films qui n’existent pas, irrémédiablement bloquées dans une durée qui ne passe plus.
Ses photographies se sont élaborées dès le départ dans un ancrage manifeste à une imagerie cinématographique enracinée dans la mémoire collective et dans une culture héritée de la littérature américaine. Son œuvre a longtemps été associée aux séries Twilight, Dream House et Beneath the Roses réalisées entre 1998 et 2008, époustouflantes dans leur manière d’entremêler une dimension autobiographique au portrait d’une Amérique sans gloire, théâtre d’une humanité rongée par une angoisse sourde, suintante d’abattement et d’ennui. Fondatrices de l’univers de Gregory Crewdson, elles ont constitué un vaste corpus dont le théâtre est celui de ces villes de taille moyenne de l’Amérique, suffisamment développées pour que l’anonymat y soit de mise mais néanmoins assez petites pour que les habitants natifs connaissent les petits secrets de leurs voisins et les
répandent en rumeurs pernicieuses et malignes.
Extrait du texte "Rien n'aura eu lieu que le lieu (excepté peut-être une constellation)", dans Gregory Crewdson - The Becket Pictures, Jean-Charles Vergne, Michel Poivert, FRAC Auvergne, 2017.
Crédits photographiques : Ludovic Combe

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