Commissaire, auteur de la préface du livre
La peinture de Frank Nitsche tend vers une indétermination de l’effet par collision des pleins et des vides, des courbes et des lignes brisées, des angles aux inclinaisons multiples ; elle opère par dilatations extrêmes de l’espace pictural, par feuilletage des plans, par juxtapositions de plis. Chaque oeuvre semble être l’instantané d’un objet en mutation fulgurante à l’intérieur d’un univers à la fois parfaitement achevé, recourbé sur lui-même comme un espace einsteinien, et absolument illimité, changeant, kaléidoscopique. En ceci, les œuvres produisent-elles un sens tremblé et non un sens ferme. Ce tremblement du sens, cet état vibratile de la peinture n’est pas sans entretenir une intéressante analogie avec la musique électronique, que Frank Nitsche diffuse à haute dose dans son atelier de Berlin. En musique électronique, l’addition d’un maximum de fréquences sonores a pour résultat ce que l’on nomme un « bruit blanc », signal que le musicien doit organiser, colorer, structurer. Frank Nitsche utilise en permanence une gigantesque base de données conçue à partir de milliers d’images découpées dans la presse et soigneusement classées par couleurs dans d’imposants albums. A l’instar des bases de données sonores utilisées en musique électronique, ce lexique compilé au fil des années est utilisé comme dimension première au sein de laquelle sont introduits des modules de désordre structurés, empilés, générant décalages, striures, dissonances, stridences, démultiplication des dynamiques, espaces écarquillés. Si la structure importe, la couleur – principal critère choisi pour le classement des images compilées – joue un rôle prépondérant dans l’ensemble de l’œuvre.
Extrait de la préface du livre Frank Nitsche, Jean-Charles Vergne, Kirsty Bell, Gerrit Gohlke, Fabrice Hergott, FRAC Auvergne, Musée d'Art Contemporain de Strasbourg, 2007.






