Commissaire, concepteur et auteur du livre
Noir. Les cieux tumultueux ouvrent le noir, découpent les silhouettes d’arbres et d’arbustes pris en contre-jour. Dans un mouvement ascensionnel, des nuages immaculés mutent, s’épaississent jusqu’à atteindre la compacité visqueuse de vastes nébuleuses froides et brûlantes, gazeuses et magmatiques – une matière inconnue, blanche mais noire, non pas détachée du noir intense mais laissée en réserve : le blanc est toujours le trou, le noir n’est jamais le vide. Les dessins sont des inversions, le noir enveloppe le blanc du papier, le dessin est une construction mentale d’espaces inversés, le blanc n’existe que cerné par le noir, le blanc du papier est le motif survivant au noir, le blanc est le trou voué à la révélation des trous noirs.
Les nébuleuses, de plus en plus denses et compactes, se déforment comme une chair élastique déchiquetée, frayent comme des corps, mêlent leurs sucs primitifs, expulsent des bombes comme une semence organique. L’espace se troue, se retrousse, double le retroussement du dessin, accompagne le geste du dessin élaboré comme à l’envers : la fonction crée l’organe, le geste en négatif dessine des trous, des trous négatifs. Ces trous vus du dessous se démarquent formellement du reste du livre par la ligne claire qui les dessine, se livrent comme des plaies béantes ouvertes sur le néant, des orifices se prêtant volontiers aux interprétations les plus scabreuses. Mais le trou de la représentation n’est pas le trou du dessin car pour dessiner un trou « noir », il faut remplir de noir l’espace dévolu au trou et laisser blanches les parties vouées à représenter le plein.
Le trou de l’image est le plein du dessin.
Extrait de "Random", livret de 48 pages inséré dans Random, Jean-Charles Vergne, Pacôme Thiellement, coédition L'Association, FRAC Auvergne, agnes b., 2015.
Crédits photographiques : Ludovic Combe

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