
Commissaire, concepteur du livre, auteur du texte "L’œil du cyclone"
L’installation Paintant Archeology réalisée au FRAC Auvergne durant l’été 2005 découle d’une prise en compte spécifique de son lieu de création, les Écuries de Chazerat à Clermont-Ferrand, dont l’architecture du XVIIIème siècle, marquée par une succession de voûtes soutenues par une série de piliers en lave volcanique noire, rend ardue toute scénographie, tout en offrant aux artistes un champ d’expérimentation passionnant. Invité par le FRAC Auvergne, Fabian Marcaccio a rapidement pris le parti de s’orienter vers une réalisation in situ dont l’existence n’aurait de durée que celle de l’exposition. L’identité patrimoniale du lieu et son inscription aux Monuments Historiques ont naturellement amené l’artiste à croiser ses préoccupations linguistiques, historiques et architecturales avec la dimension archéologique inhérente à l’espace lui-même.
Le projet Paintant Archeology utilise une quarantaine de matrices de silicone desquelles sont moulées plusieurs centaines de formes en plâtre blanc qui viennent recouvrir la totalité des murs de l’espace d’exposition. Viennent s’ajouter à cet environnement sept dessins au marqueur exécutés sur des petits tableaux de même format, accrochés sur les piliers des Écuries de Chazerat - camouflés serait un terme plus exact tant les dessins se confondent avec la noirceur de la pierre et la couche de salpêtre blanchâtre qui parfois la ronge. A ces sept dessins sur toile s’adjoint un huitième tableau de format identique, ouvrant l’exposition, sur lequel s’inscrit une citation de Rodolfo Galimberti, terroriste et ancien leader argentin du mouvement armé des jeunesses péronistes : « je suis bien meilleur que ce que vous pensez et bien pire que ce que vous imaginez ».
Les bas-reliefs de plâtre blanc sont littéralement fondus dans leur support et semblent émerger lentement de celui-ci à l’image de la scène hallucinatoire de la télévision dans Videodrome (David Cronenberg), où un bras pointant une arme sort lentement d’un écran comme d’une gangue organique. Les murs de Paintant Archeology intiment à une lecture à la fois fragmentaire - motif par motif, relief par relief - des événements graphiques et sculpturaux, dans l’espace et dans le temps (celui du parcours visuel), et à une lecture globale, laissant rapidement envisager que la prolifération quasiment virale des formes sur les murs ne puisse se lire que sous l’angle d’une œuvre unifiée, organisée, sous l’angle d’un tout indivisible. L’intrication des motifs, leur absence d’homogénéité, leurs registres dissonants, sont comparables à un sampling qui passerait en revue différents registres musicaux, du plus lyrique au plus hardcore, au sein duquel se succèderaient formes musicales inédites et juxtapositions de clichés stéréotypés, à l’instar de la production étonnante du groupe américain Fantômas ou, dans un registre plus classique, à la manière dont le son est utilisé dans certains films de Jean-Luc Godard, alternant musique, fragments de dialogues, détonations, bande musicale tranchant dans le vif des échanges de paroles, pour former un continuum sonore monolithique et pourtant parcouru par une multiplicité. La finalité, dans l’œuvre créée par Fabian Marcaccio, n’est pas de tenter d’amener le spectateur à identifier tel ou tel motif d’arme de poing, tel ou tel symbole politique, tel ou tel archétype pictural, mais d’effleurer ces analogies puis de tout renverser pour atteindre une anti-généalogie de la forme, une sorte d’anti-mémoire, processus assez similaire à celui qui consisterait à écouter une conversation comme s’il s’agissait d’une plage de musique concrète, en évacuant chacun des mots pour n’en conserver que la dimension sonore.
Extrait de "L’œil du cyclone", dans Fabian Marcaccio - Paintant Archeology, Jean-Charles Vergne, FRAC Auvergne, 2005.
Crédits photographiques : Régis Nardoux





































