Commissariat, direction éditoriale, textes

Eugène Boudin - Étude de ciel sur la mer - 1865-1870 - Aquarelle, mine de plomb sur papier - 14 x 18,50 cm - collection privée.
Dans sa célèbre nouvelle La Couleur tombée du ciel (The Colour Out of Space), publiée en 1927, l’écrivain américain Howard Phillips Lovecraft décrit les phénomènes extraordinaires survenus dans une ferme isolée en 1882. Un nuage blanc en plein midi, un chapelet d’explosions dans les airs, précèdent la chute d’une météorite qui révèle en son cœur une couleur inconnue, impossible à décrire. Innommable. La flore se fait luxuriante avant de se corrompre et de s’émietter en une poudre grisâtre. Bêtes et hommes subissent l’influence de cette couleur inqualifiable qui, en quelques mois, transforme inexorablement le paysage en une « lande foudroyée » grise avant de se propulser subitement au firmament pour disparaître à tout jamais, laissant derrière elle une désolation semblable à celle de ces vallées dont les teintes ont été sapées par les cendres d’une explosion volcanique.
Dans la nouvelle, la couleur est, au sens le plus littéral, « le lieu où notre cerveau et l’univers se rencontrent » comme l’affirme Paul Cézanne pour souligner la bouleversante intimité nouée par la couleur avec le regard. Au-delà de son registre fantastique, La Couleur tombée du ciel est l’histoire d’une rencontre entre un précipité chromatique projeté depuis l’horizon diffus de l’univers et sa perception fascinée, impensable – et en définitive cataclysmique – par celles et ceux qu’elle frôle en les dénaturant irrémédiablement. Le titre original de la nouvelle – The Colour Out of Space – permet de saisir l’ambivalence de cette teinte impie exhalée du cœur de la météorite. Elle tombe depuis l’espace intersidéral mais, simultanément, elle est out of space : hors de l’espace, elle est un espace autre. Elle crée de l’espace dans une impalpable puissance dont l’œil mesure l’étendue mais que les mots ne peuvent saisir, sinon de manière approximative. La couleur est toujours plus forte que le langage. Rencontrer une couleur est un événement en soi – nous en avons tous fait l’expérience, fascinés par la pourpre crépusculaire d’un ciel, par le vert tendre d’une prairie ou par l’insaisissable modulation irisée d’un regard. Cet événement, sidérant dans son surgissement, n’en demeure pas moins insaisissable.
Réunissant plus de 80 artistes du 19e siècle à nos jours, cette exposition traversera les grands thèmes de la nouvelle de Lovecraft – couleurs inqualifiables, espaces cosmiques et terrestres, métamorphose et régénérescence... Qu’elles soient issues de la modernité ou du contemporain, les œuvres réunies seront choisies pour leur charge sensible, pour leur importance historique mais aussi pour leur capacité à évoquer des questions environnementales actuelles et urgentes.
Dans la nouvelle, la couleur est, au sens le plus littéral, « le lieu où notre cerveau et l’univers se rencontrent » comme l’affirme Paul Cézanne pour souligner la bouleversante intimité nouée par la couleur avec le regard. Au-delà de son registre fantastique, La Couleur tombée du ciel est l’histoire d’une rencontre entre un précipité chromatique projeté depuis l’horizon diffus de l’univers et sa perception fascinée, impensable – et en définitive cataclysmique – par celles et ceux qu’elle frôle en les dénaturant irrémédiablement. Le titre original de la nouvelle – The Colour Out of Space – permet de saisir l’ambivalence de cette teinte impie exhalée du cœur de la météorite. Elle tombe depuis l’espace intersidéral mais, simultanément, elle est out of space : hors de l’espace, elle est un espace autre. Elle crée de l’espace dans une impalpable puissance dont l’œil mesure l’étendue mais que les mots ne peuvent saisir, sinon de manière approximative. La couleur est toujours plus forte que le langage. Rencontrer une couleur est un événement en soi – nous en avons tous fait l’expérience, fascinés par la pourpre crépusculaire d’un ciel, par le vert tendre d’une prairie ou par l’insaisissable modulation irisée d’un regard. Cet événement, sidérant dans son surgissement, n’en demeure pas moins insaisissable.
Réunissant plus de 80 artistes du 19e siècle à nos jours, cette exposition traversera les grands thèmes de la nouvelle de Lovecraft – couleurs inqualifiables, espaces cosmiques et terrestres, métamorphose et régénérescence... Qu’elles soient issues de la modernité ou du contemporain, les œuvres réunies seront choisies pour leur charge sensible, pour leur importance historique mais aussi pour leur capacité à évoquer des questions environnementales actuelles et urgentes.
In his famous short story, The Colour Out of Space, published in 1927, American writer Howard Phillips Lovecraft describes the extraordinary phenomena that occurred on an isolated farm in 1882. A white cloud at high noon, a series of explosions in the air, precede the fall of a meteorite that reveals at its heart an unknown colour, impossible to define. Unnameable. The stone from the farthest reaches of outer space inexplicably contracts in its crater, transforms itself, attracts lightning. The flora becomes luxuriant before turning corrupt and crumbling into a grayish powder. Beasts and men suffer the influence of this inexpressible colour which, in a few months, inexorably transforms the landscape into a grey «lightning land» before suddenly propelling itself into the firmament to disappear forever, leaving behind a desolation similar to that of valleys whose tones have been undermined by the ashes of a volcanic explosion.
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In the novella, colour is, in the most literal sense, «the place where our brain and the universe meet», as Paul Cézanne said, underlining the deeply moving intimacy between colour and the eye. Beyond its fantastic register, The Colour Out of Space is the story of an encounter between a chromatic precipitate projected from the universe’s diffuse horizon and its fascinated, unthinkable - and ultimately cataclysmic - perception by those it touches, irreparably altering them. The title of the short story captures the ambivalence of this unholy hue exhaled from the heart of the meteorite: it falls from interstellar space, but at the same time, it is out of space. It creates space in an impalpable power, the extent of which the eye can measure, but which words cannot grasp, except in an approximate way. Colour is always stronger than language. Encountering a colour is an event in itself - we’ve all experienced it, fascinated by the dusky purple of a sky, the soft green of a meadow or the elusive iridescent modulation of a gaze. This event, staggering in its emergence, is nonetheless impossible to grasp.
Featuring more than 80 artists from the 19th century to the present day, this exhibition will explore the major themes of Lovecraft's short story—unspeakable colors, cosmic and terrestrial spaces, metamorphosis, and regeneration... Whether modern or contemporary, the works on display will be chosen for their emotional impact, their historical significance, and their ability to evoke current and urgent environmental issues.